J'ai écris ce texte d'après un atelier d'écriture découvert sur un autre forum.
Le sujet était ceci :
"Faites une dissertation qui raconte l'histoire d'une boule de billard, sans parler de sa forme ni de sa couleur. Pour les plus courageux, ne parler ni de la queue de billard, ni du joueur, ni de la table"Tout le reste étant libre à l'imagination de l'auteur, voici ce que j'ai écris.
Seule et insouciante !Je suis seule. Indépendamment de mes sœurs, je me sens toujours seule, démunie, délaissée. J’évolue entre les coups et les dérives de la vie. Pour moi, la pensée devrait être proscrite, mais je m’y suis attelée depuis déjà fort longtemps.
Je suis celle qui occupe les bars toute la sainte journée, prête à reluquer n’importe qui pour me faire aimer. Il y a certains jours où l’on peut me voir briller dans cette salle obscure remplie de vieux badauds à moitié souls et complètement blasés de leur vie sans intérêt. Ah oui, je connais leur vie, plus qu’ils ne connaissent la mienne, soyez-en sûr. Même si personne ne souhaite prêter l’oreille à mes pleurnicheries, je suis toujours là à écouter celle des autres.
C’était l’autre jour, Mr le Fanfaron de première avait enfilé une bonne dizaine de bières au goulot mal lavé. Il se tenait debout sur la table en chantonnant une de ces nouvelles trouvailles. Il racontait ses nuits d’ivresses accueillies de jolies donzelles dénudées aux courbes généreuses. Personne ne peut dire si tout ce qu’il pouvait raconter était vrai, mais un jour, moi, je l’ai vu rentrer au bar avec une femme. Elle avait vu passer les années, mais on voyait bien qu’elle avait été très belle. Mr le Fanfaron se vantait devant tout le monde que c’était sa femme. Elle était heureuse, au comble du bonheur si l’on peut le dire. Mais elle ne pouvait savoir ce que son satané mari lui ferait mal quelques années plus tard.
C’était un jour de pluie comme les autres. Le bar était bondé, les souls se penchaient au-dessus de moi sans même me regarder. Je n’étais pas celle que l’on aimait, celle que l’on bichonnait. Je n’étais même pas celle que l’on prenait dans un coin pour assouvir son envie virile. Non, je n’étais que là en tant que décoration.
Mr le Fanfaron est rentré dans le bar, à moitié soul comme à son habitude. Il s’est assis au bar et a demandé une bonne bière. Le barman le lui a servi sans même se demander s’il valait mieux lui proposer un verre d’eau cette fois-ci. Non, pour lui tant qu’on lui prenait des bières mieux il se portait. Les cadavres au coin de la rue ça n’était pas son affaire.
Mr le Fanfaron s’est enfilé sa bonne bière comme si de rien n’était puis, la démarche hasardeuse, il alla se fourrer au fond de la salle, près de moi. Il commença à m’effleurer, puis caressa mes rondeurs. Il me déposa ensuite simplement sur la table. J’étais heureuse. Enfin, quelqu’un prenait soin de moi, même si c’était le plus vil des hommes qui soit, j’étais contente. Il m’a ensuite fallu un peu de temps pour réaliser qu’il m’avait apporté mes sœurs. Proche sans trop l’être, elles étaient collées les unes aux autres. J’étais la plus jeune et aussi la plus pure. Je ne savais que trop bien ce qu’il allait se passer ensuite. Mr le Fanfaron allait se jouer de nous. Il s’élancera à la conquête de mes chères sœurs pour enfin finir en tête à tête avec moi. Mais, bien sûr, ce ne sera pas de tout repos. Il me faudra me défaire de mes sœurs, m’en débarrasser pour enfin être seule avec lui.
Mais ce jour-là, tout ne se passa pas exactement comme ça. Ce jour-là, la femme de Mr le Fanfaron fit irruption dans le bar. Elle le savait là depuis longtemps, mais n’avait jamais osé venir, de peur de lui faire face. Aujourd’hui, tandis que j’étais enfin prête pour cette drôle d’histoire avec Mr le Fanfaron, sa femme venait tout gâcher.
Son entrée fut fulgurante. La porte du bar claqua. Elle était rouge de colère. Folle furieuse, elle avança d’un pas sûr vers Mr le Fanfaron qui m’avait prise dans sa main pour enfin commencer le jeu. Mais son geste avait été arrêté net par l’arrivée intempestive de sa femme.
Elle cria de toutes ses forces contre l’homme qu’elle avait aimé peu de temps avant. Peut-être encore qu’aujourd’hui ses sentiments étaient toujours les mêmes, mais son visage ne les exprimait plus. Elle était déçue de l’homme qu’elle avait devant elle et qui me tenait dans sa main. Elle hurla tout ce qu’elle put puis elle finit par un « Je ne veux plus te voir » désolé. Elle sortit du bar, des larmes coulant sur ses joues fines.
Mr le Fanfaron, hébété par cette venue insolite et ce discours énergique ne bougeait pas. Au moment où la porte du bar claqua pour la deuxième fois, c’est comme s’il se réveillait. Il comprit d’un seul coup les mots durs de sa femme. Il tomba à genoux, perdu. Et dans un dernier élan de colère contre lui-même, il m’envoya par delà le bar et la porte vitrée.
Je me retrouvais dehors, seule, perdue, abandonnée. Seule la pluie pouvait maintenant m’atteindre. Cette douce pluie qui adoucit les mœurs et sans doute me réchauffe mon cœur de pierre.
Zaza